Martine et ses amis : entre stéréotypes et méconnaissance du vivant

jeudi 21 mars 2024

Dans la série « Les amis de Martine », on demande « Jean-Lou et Sophie construisent une cabane », l’histoire de deux gamins qui avec l’aide de leurs amis vont construire une magnifique maisonnette qui va devenir le lieu d’inoubliables jeux de vacances…

Si l’on met de côté les stéréotypes de genre de cette BD imaginée dans les années 50, celles et ceux qui ont connu l’enfance sans les écrans auront certainement la nostalgie d’une époque où les enfants ne rêvaient souvent que d’une chose : jouer dehors !

Cela étant, tout n’était pas mieux avant. À commencer par le niveau de compréhension du vivant, très bien illustré par ce passage en apparence anodin : « Jean-Lou prend Sophie par la main et l’entraîne vers le petit bois (…)

– Où couriez-vous comme ça ? crie l’élagueur, occupé à débarrasser les arbres des branches inutiles ».

Et voilà rentrée dans la tête de nos petites têtes blondes l’idée qu’il faut débarrasser les arbres – et par extension la forêt – du bois mort.

Or à propos des arbres morts, les naturalistes Béatrice Kremer-Cochet et Gilbert Cochet, auteurs de « l’Europe Réensauvagée » (Actes sud, 2020), font cette observation :

« Les arbres morts jouent un rôle important même si les gens ont envie de les prélever pour « faire propre ». Un arbre mort peut parfois rester sur pied un siècle et offrir le gîte et le couvert à de nombreuses espèces. Certains insectes xylophages vont ainsi consommer le bois mort, des oiseaux comme le Pic ou la Sittelle mangent leurs larves. Les pics y creusent des trous qui serviront de nichoirs pour d’autres espèces d’oiseaux comme certaines chouettes ou les mésanges, de même que pour des mammifères comme les martres ou les chauve-souris. Il y a toute une vie qui s’installe, sans même parler du développement des champignons sur ces végétaux morts…

On estime généralement le volume du bois mort à l’hectare. Dans les forêts françaises on a quelques dizaines de m3 de bois mort à l’hectare tandis que dans des forêts laissées en libre évolution on peut avoir jusqu’à 200 m3 à l’hectare. C’est énorme quand on pense que chez nous, nous n’avons parfois même pas ce volume en bois vivant ! »

Même mort, un arbre peut rester sur pied pendant des décennies, comme ce vieux chêne dans la campagne anglaise.

Quant aux branches mortes, Vincent Jeanne, président de la Société Française d’Arboriculture, rappelle qu’« autrefois nous avions le réflexe de retirer tout le bois mort, notamment pour des raisons esthétiques. Mais aujourd’hui on sait que (…) tant qu’il n’est pas tombé, ce bois influe sur la biomécanique de l’arbre et lui permet notamment de s’adapter aux contraintes du vent. En d’autres termes l’arbre adapte sa morphologie en fonction de l’environnement. Si le houppier (la partie supérieure de l’arbre) est dense et que l’on retire le bois mort, cela peut créer des passages d’air et fragiliser sa structure. »

Pour revenir à Martine (ou Sophie en l’occurrence), si ses aventures devaient être remises au goût du jour, l’élagueur pourrait être remplacé par un ornithologue en train de fixer un piège photographique sur une branche et Martine prendrait certainement la tête des opérations pour embarquer ses amis dans la construction d’un affût en vue d’une mission d’observation des espèces de la forêt (plusieurs études récentes tendent à démontrer que les femmes sont plus sensibles aux enjeux écologiques que les hommes). Plutôt que de suivre les garçons en jouant à la décoratrice d’intérieur ou à l’infirmière de service…

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