Cette entreprise à mission accompagne plus de 3000 fermes sur la voie d’une agriculture régénératrice

samedi 16 mars 2024

Startup pionnière de la contribution carbone au profit d’un modèle agricole durable, Agoterra mise sur le déploiement à grande échelle de l’agriculture régénératrice, une approche qui vise notamment à réduire les émissions de gaz à effet de serre, dont le secteur agricole reste à ce jour le deuxième plus gros émetteur en France, derrière le transport.

À la tête d’Agoterra depuis 2021, l’entrepreneur Mathieu Toulemonde constate une prise de conscience grandissante sur le fait que la performance économique peut et doit aller de pair avec la performance environnementale.

Agriculture régénératrice : le concept

Le concept d’agriculture régénératrice regroupe un ensemble de pratiques propices à la restauration des sols agricoles, telles que la réduction du labour pour un passage en semis direct, la couverture des sols tout au long de l’année, les cultures diversifiées pratiquées en associations, la réduction de l’usage d’intrants chimiques, l’augmentation des surfaces en prairie, le développement de l’agroforesterie, etc. Toutes ces pratiques se complétant dans une approche systémique, dans le but d’aller vers un système agroécologique.

Parmi les nombreux bénéfices associés à ces méthodes, on note une réduction des émissions de gaz à effet de serre et une meilleure séquestration du carbone dans le sol. Autant de CO2 que les agriculteurs peuvent désormais valoriser sur le marché du carbone volontaire, grâce au système des crédits carbone.

Contribution carbone # Compensation 

La compensation carbone consiste pour une entreprise à évaluer ses émissions de CO2 et à compenser celles-ci en finançant via le système des crédits carbone des pratiques relevant notamment de l’agriculture régénérative, permettant ainsi de réduire ou de stocker une quantité équivalente de CO2.

« Nous parlons plutôt de contribution carbone et non de compensation carbone, qui est un terme très discutable, estime Mathieu Toulemonde. En effet la compensation carbone laisse entendre que des entreprises fortement émettrices pourraient être neutres en annulant leurs émissions, sans remettre en question leur business model. Scientifiquement, ça ne tient pas. Pour cette raison nous préférons plutôt parler de contribution carbone. On peut ainsi aider au développement de puits de carbone qui vont permettre de contribuer collectivement à la neutralité carbone territoriale, française ou mondiale. »

Agoterra intervient dans ce cadre en tant qu’intermédiaire entre les entreprises et les agriculteurs, accompagnant les premières dans leur démarche de réduction d’empreinte carbone en leur permettant d’identifier, de financer et de suivre des projets bas-carbone certifiés, au plus près de leur chaîne de valeur – dans un rayon inférieur à 100 km – et en aidant les seconds à déployer une agriculture régénératrice en ayant accès à de nouvelles sources de financement.

« Nous avons créé la structure en mai 2021 pour collecter les fonds de nos premiers clients entreprises et les reverser, le principe étant de permettre à nos clients de ne pas traiter en direct avec les fermes, puisqu’elles ne sont pas structurées pour cela.

Ensuite on collecte et on traite via notre plateforme tout un ensemble d’informations que nous restituons aux entreprises, avec un fort enjeu de communication et d’acculturation aux questions agricoles, notamment pour éviter le greenwashing. Au-delà de ce reporting la plateforme permet de créer un lien entre les entreprises et les fermes, avec des actualités et un partage d’information qui vont bien au-delà de la seule question du carbone » explique l’entrepreneur.

Agoterra assure ensuite un suivi annuel de chaque exploitation – sur une durée totale de 5 ans – assurant un paiement annualisé des crédits carbone pour l’agriculteur en fonction de sa performance, avec à la clé l’obtention de labels certifiés du type Label bas-carbone. Autre facteur essentiel de succès pour les agriculteurs partenaires, le volet formation technique et agronomique, dispensé en lien avec des partenaires dédiés sur le terrain.

Visite de la ferme de Jean-François (Villeneuve d’Asq – Octobre 21). Photo : Agoterra.

De multiples intérêts écologiques… et économiques

Le stockage et la réduction des émissions de gaz à effet de serre est indéniablement l’un des principaux bénéfices associés à l’agriculture régénérative, bien illustré par l’initiative 4 pour 1000 « Les sols pour la sécurité alimentaire et le climat » lancée par la France à l’occasion de la COP21 : si, dans tous les sols, on augmentait chaque année de 0,4 % (soit 4 ‰) la teneur en matière organique, donc en carbone, on compenserait le CO2 émis par l’homme dans l’atmosphère. Sans oublier bien sûr l’objectif principal, qui reste de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. 

Mais les bénéfices de l’agriculture régénérative vont bien au-delà de la seule question du carbone, puisqu’elle permet de stimuler la vie des sols, entrainant de ce fait tout un cortège d’effets bénéfiques : diminution de l’érosion des sols, meilleure circulation et rétention des ressources hydriques dans le sous-sol, apports de nutriments pour les cultures, stimulation de la biodiversité, etc.

On perçoit consécutivement l’intérêt économique qu’ont les agriculteurs à mettre en œuvre de telles pratiques, dans la mesure où celles-ci impactent directement la qualité des cultures d’une part et le volume des coûts en carburant et en intrants d’autre part.

À cela s’ajoute donc l’argument financier des crédits carbone. Pour mieux se le représenter nous avons interrogé Mathieu Toulemonde sur le revenu complémentaire que pouvait raisonnablement espérer un agriculteur :

« D’abord il est important de préciser que d’une exploitation à l’autre le revenu associé aux crédits carbone peut-être très variable. Toutefois, en moyenne, on constate pour une exploitation environ 500 tonnes de CO2 séquestrées ou réduites sur 5 ans, avec un prix à la tonne de CO2 situé entre 32 et 42 euros. Par conséquent sur une fourchette basse nous tablons sur 15 000 euros jusqu’à 25 000 euros en moyenne, voire 60 à 70 000 euros pour les plus grandes exploitations. Sans inclure tous les bénéfices économiques induits par les pratiques agronomiques associées à l’agriculture régénérative.

La preuve que l’on peut allier performance économique et performance environnementale. C’est essentiel si on veut que le système se déploie à grande échelle » relève Mathieu Toulemonde.

Sur la plateforme d’Agoterra, on peut consulter l’ensemble des projets de transition vers une agriculture régénératrice et bas-carbone.

Une démarche qui séduit toujours plus d’agriculteurs

S’il a d’abord conquis des agriculteurs déjà convaincus, voire des pionniers, le concept a rapidement essaimé au-delà.

« Aujourd’hui on constate une belle dynamique, puisque l’année de notre lancement fin 2021 nous avions 301 agriculteurs référencés sur la plateforme, fin 2022 nous passions la barre des 1000 fermes, puis 3000 en 2023. Soit près de 1% des exploitations françaises à ce jour. »

… et d’entreprises en quête d’impact et de traçabilité

C’est pendant qu’il développait une startup en Asie que le trentenaire eut l’idée de relocaliser la compensation carbone au plus près des chaînes de valeur, en imaginant un système plus fiable.

« Chez Agorize, la startup pour laquelle je travaillais alors, nous voulions réduire notre empreinte carbone et pour ce faire nous avions financé un chantier de plantation d’arbres quelque part en Inde. Je me souviens qu’on avait reçu un certificat papier par la poste qui disait très peu de choses de ces plantations. Il n’y avait pas de suivi, pas de certification… bref c’était léger !

Parallèlement, la ferme familiale est passée en bio en 2020 et nous avons cherché des sources de cofinancement pour opérer cette transition. Il se trouve que l’exploitation étant basée à Villeneuve d’Ascq, nous avions à proximité des grandes entreprises comme Bonduelle, McCain, Décathlon… Or ces sociétés vont souvent financer des projets sans rapport avec leur activité à l’autre bout du monde, alors qu’elles pourraient relocaliser cette contribution carbone au profit de projets situés sur leur territoire, voire au sein même de leur chaîne de valeur. C’est à ce moment-là que j’ai eu le déclic ! se remémore le chef d’entreprise.

Quant à la fiabilité des crédits carbone, fréquemment mise en cause, les projets que nous sélectionnons bénéficient de crédits carbone certifiés par les labels les plus exigeants (Label bas-carbone, Gold Standard, ou ISO) et parallèlement nous avons lancé la Climate Agriculture Alliance, une interprofession des crédits carbone au niveau européen dont l’objectif est de mettre en place des garde-fous, en créant un registre européen des crédits carbone pour éviter par exemple que des agriculteurs puissent se faire rémunérer plusieurs fois pour la même pratique. Cette fiabilité est absolument cruciale ».

Fraîchement certifiée B Corp, déjà forte de 60 clients – principalement des grandes entreprises – Agoterra voit l’avenir en grand avec une ambition internationale. Cela tombe bien car en matière d’agriculture il y a urgence à accélérer la transition, et pas qu’en France.

Vous voulez rencontrer Agoterra ? Rendez-vous le 16 mai à CarbonConnect qui se tiendra cette année à AgroParisTech, la grande école du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, composante de l’Université Paris-Saclay, sous le haut patronage des ministères de l’Agriculture & de l’Écologie. Au programme des rencontres et ateliers thématiques en présence d’agriculteurs et d’entreprises. L’évènement est ouvert à toutes celles et ceux qui s’intéressent au sujet de transition agricole autour de l’agroécologie.

Portrait principal : Mathieu Toulemonde, fondateur et dirigeant de Agoterra.

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