Quand les arbres meurent dans l’indifférence

vendredi 14 août 2020

À moins d’avoir les yeux braqués sur le compteur kilométrique, impossible de ne pas remarquer les arbres morts qui bordent l’A6, pour ne citer qu’un exemple frappant de la grande hécatombe qui touche les forêts un peu partout en Europe.

Déjà durement touchés par un été 2019 historiquement sec et caniculaire, nos arbres succombent à un rythme alarmant, épuisés par des bouleversements climatiques auxquels ils ne sont pas préparés. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, ceux qui ne meurent pas de soif sont attaqués par des parasites comme le chancre ou le scolyte qui prolifèrent sur ces hôtes fragilisés.

À tel point qu’on estime à 40% la proportion des espèces menacées d’extinction en Europe (!). Les forestiers de l’ONF (Office National des Forêts) ont beau travailler d’arrache-pied pour trouver des espèces en mesure d’affronter ces nouvelles conditions climatiques, la vitesse du bouleversement est telle qu’on n’arrivera vraisemblablement pas à enrayer ce déclin.

Probablement plus dramatique encore est la pudeur avec laquelle nous abordons ces questions, reléguées dans les faits divers et autres chroniques environnementales, comme si cette « crise » écologique n’était que passagère comme son nom le laisse supposer, ou comme si ce « changement » climatique était un phénomène irrépressible.

Piégés par les rhétoriques habiles de ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change, nous sommes conditionnés à suivre plutôt le feuilleton estival du COVID, préoccupés par la reprise économique ou par la fiabilité de ce fameux vaccin russe dont on nous parle en boucle depuis plusieurs jours. De fait, ce feuilleton dont les humains occupent les rôles centraux passionne davantage les foules qu’un évènement anecdotique, du moins présenté comme tel si on en juge sa couverture médiatique.

Un phénomène incompréhensible pour la communauté scientifique qui tente, désespérément, d’alerter la société et les décideurs sur cette Grande Guerre qui se déroule devant nos yeux grand fermés. L’inertie est sidérante et la formule de Jacques Chirac n’a jamais été aussi parlante : notre maison brûle, littéralement. Et nous regardons ailleurs.

La savane africaine ? Non, un pré situé en Saône-et-Loire. La haie n’a pas résisté, brulée par la fournaise estivale.

Le dépérissement des arbres à une telle échelle et sur une période si courte est pourtant un phénomène spectaculaire par son ampleur, sans précédent. Il offre une preuve accablante, s’il en fallait une de plus, que le dérèglement climatique est lancé et que nous sommes au cœur d’une bataille qu’il nous faut livrer collectivement et totalement.

Signe d’un stress hydrique élevé : en forêt, beaucoup d’arbres perdent leurs feuilles prématurément.
Les arbres isolés sont particulièrement touchés, n’étant pas protégés par le couvert végétal de la forêt.
Face à la sécheresse toutes les espèces ne sont pas égales. Les conifères, au réseau racinaire plus superficiel, dépérissent les premiers. Ici en arrière plan, des dizaines de pins ont succombé.

Fin juillet 2019, le Monde consacrait déjà une enquête à ce phénomène alarmant :

« Les situations de stress hydrique se multiplient. Les canicules, autrefois espacées, sont désormais quasi annuelles. Sans compter que les effets de ces températures extrêmes sur les forêts françaises en juin et juillet 2019 pourront encore se faire sentir dans dix ans. « On place les plantes dans des positions qu’elles n’ont jamais connues. Un hêtre habitué à un maximum de trente, voire trente-cinq degrés, n’est pas constitué pour survivre à des pics à quarante », fait remarquer Hervé Cochard, directeur de recherche à l’INRA de Clermont-Ferrand. D’après le chercheur, les plantes sont déjà « sur le fil du rasoir »En 2012, il avait coécrit une étude qui montrait que 70 % des espèces étaient déjà au bord de l’embolie.

Le Monde.

Récemment interrogé sur l’impact du dérèglement climatique sur les forêts, le naturaliste Gilbert Cochet, qui prône la création de vastes sanctuaires sauvages en libre évolution, observe :

« Le mois de juillet 2020 aura été le plus chaud de tous les temps, de même que l’année 2020 sera plus chaude que l’année 2019 qui était déjà l’année la plus chaude de tous les temps. Nous sommes sortis du connu. On est embarqués dans un train qui va à une vitesse folle et qu’on ne maîtrise plus, avec des boucles de rétroaction positives : plus vous chauffez avec les émissions de gaz à effet de serre, plus les surfaces de glace qui renvoient la lumière rétrécissent, entraînant un réchauffement des océans et ainsi de suite… Il faut inverser les boucles de rétroaction en refaisant fonctionner les grands cycles de la nature à l’échelle planétaire. Uniquement ainsi, nous pourrons restaurer et remettre en place des dynamiques extrêmement puissantes. Pour cela il faudra s’appuyer sur les deux grandes fonctions que jouent les océans et les forêts.”

Photo principale : le chêne remarquable du château de Cormatin en Saône-et-Loire est mort aux 3/4, terrassé par 4 canicules successives. Une alerte, quand on sait que cet arbre, encore en parfaite santé il y a quelques années, a traversé plus de 400 étés !

Alors comment agir ?

En étant acteur et non plus spectateur : réaliser que le changement passe par chacun d’entre nous, les Terriens.

En défendant la création d’espaces sauvages, à commencer par son propre jardin.

En pensant LSD pour les achats alimentaires, comme « Local, de Saison et en Direct » (un article sur les courses en ligne est en préparation). Et bio !

En cessant de débattre sur des faits établis comme « Le dérèglement climatique est-il vraiment causé par les activités humaines ? » et des polémiques stériles du style « Il faudrait d’abord taxer les GAFA et le transport aérien » pour justifier notre immobilisme.

S’armer d’un sac pour ramasser les détritus quand on part en balade. D’autres imiteront et ainsi de suite…

Se renseigner sur les bons plans, les innovations et les initiatives intéressantes autour de chez soi et surtout, en parler, partager.

Cette liste n’est pas exhaustive. L’important est d’être avant tout acteur à sa propre échelle.

Pour revenir à nos arbres, une association s’est créée pour faire renaître une vaste forêt primaire (forêt en libre évolution) au cœur de l’Europe à l’initiative du botaniste Francis Hallé. Plein d’autres initiatives n’attendent que vous pour prendre corps et essaimer.

Vous voulez partager une information ou un témoignage ? dites-le nous par mail à contact@leterrien.fr ou ci-dessous dans la rubrique commentaires.

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17 Commentaires

  1. Geoffray Sylvie

    Une évolution que j’observe dans mes chères forêts des alentours le coeur serré ! Conseils que j’applique depuis longtemps aussi, nous devons tous nous sentir concerné. Je partage ce bel article …

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  2. Thinkerbell

    En Bulgarie une association a commencé par planter des arbres par des volontaires. Actuellement ils arrivent à 1 000 000 d’arbres plantés.
    Malheureusement dans le pays il y a une forte déforestation illégale.
    Après pour préserver l’humidité et fraîcheur il faut en priorité préserver et planter autour des points d’eau avec un maximum d’espèce indigènes.

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  3. Hélène

    Commençons déjà par nous arrêter dès qu on voit un arbre ettouffé à cause du liere – cette plante qui s accroche au tronc et pousse jusqu’au branche et tue l arbre et qui reste très difficile a arracher du fait qu’elle se fixe en poussant et devient parti intégrante du tronc

    Réponse
  4. Terii

    Dommage, c’était intéressant et impliquant jusqu’à cette phrase dont je ne vois pas trop le rapport avec le réchauffement “S’armer d’un sac pour ramasser les détritus”. Dommage, l’article devient moins impactant avec ce genre de détail décalé (plutôt pro EELV) par rapport au sujet important qu’est le réchauffement climatique 🙁

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    • Le Terrien

      Merci pour votre commentaire, comme il est précisé la liste des actions n’est pas exhaustive et vous avez raison, ramasser les détritus laissés dans la nature ne va pas régler la question du réchauffement climatique. Ce geste simple qui peut paraître anecdotique permet pourtant d’être dans l’action et souvent cela se répercute sur d’autres gestes quotidiens. L’idée est d’adopter, pour commencer, un nouveau rapport avec la nature qui nous entoure. Une nouvelle philosophie si vous préférez. Faites le test lors d’une prochaine marche. Vous remarquez un emballage plastique au bord d’un chemin ? Pourquoi ne pas le ramasser ? Attendre que quelqu’un d’autre le fasse ? Être acteur, cela commence par des gestes simples comme celui-ci. Rien n’est anecdotique, tout ce qui va dans le bon sens est bon à prendre.

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  5. Marlène

    La légende de la dernière photo n’est pas adaptée, ce sont des épicéas communs qui ont été attaqués par le scolyte, et non des “pins” qui auraient uniquement succombé à la sécheresse.
    (dommage, l’article est intéressant et à partager)

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  6. annick barioz

    créer des récupérateurs d’eau en ville et en campagne en trouvant une technique qui n’emploie pas le plastique!

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  7. Diémé

    Quelle tristesse 😢même les arbres en ville et dans les quartiers sont maltraités, dans mon quartier boulevard du fier côté cimetière des îles il y a une mini forêt, l’autre jour ils coupaient le haut des arbres je leur ai demandé ce qu’ils faisaient , ils m’ont répondu que l’ordre venait d’halpades parce que certains propriétaires garés sur le parking avait peur que des arbres tombent sur les voitures lors d’un orage, j’ai fais la remarque à Halpades qui m’a jamais répondu 😠😠
    Élagage et ététage tuent les arbres à petit feu et c’est valable pour tous les arbres en ville !!

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  8. Damienne

    Selon l’Etat une foret privée plus de 10 hectares se doit d”etre gérée selon 3 critères et dans cet ordre:
    – economique (contrainte de faire des coupes rases)
    – social (faire travailler l’industrie forestiere donc faire des coupes)
    – ecologique
    Si on laisse la forêt en libre evolution, on recoit des lettres intimidantes et menacantes. Si on n’adhere pas au plan simple de gestion et derriere cela a fournir du travail a l’industrie forestiere, on est passible de poursuites judicieres si on abat un seul arbre. L’option gestion ecologique n’est possible qu’apres avoir fait des coupes rases et payé les gros engins et sous la menace.

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  9. Lilly myaldo

    Quelles sont les essences et végétaux qu’il serait judicieux pour chacun de planter aujourd’hui pour qu’il reste des arbres et des haies dans quelques années ?
    J’habite les Yvelines et j’observe le dépérissement de la nature avec angoisse et désespoir. On se sent impuissants et bien esseulés dans ce sentiment d’urgence absolue ..

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  10. Senoret

    Ja partage vous points de vu, c’est désolant voir la forêt française dépérir année après année. Malgré la gestion écologique de mon jardin, cet été j’ai eu une grosse branche de mon poirier tomber et un he râble derasine par la tornade…
    Pour la question du Lierre, il faut comprendre que le kiere ne tue pas son hôte et qu’elle appartient à la fleur européenne depuis des siècles.
    Il faut l’observer pour s’en apercevoir de sa cohabitation.
    Merci

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  11. Corinne

    Réponse à Hélène, non le lierre n’étouffe pas les arbres. Ils vivent en symbiose et par sa floraison tardive, il offre le couvert aux abeilles avant l’hiver. Protégeons le lierre et les arbres.

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  12. Milone jean-pierre

    En Auvergne les hêtres dépérissement gravement cet été depuis la mi août, dans le Meygal , le haut Allier , le Sancy…des forêts entière deviennent rousses, même des feuilles vertes tombent, parfois il ne reste plus que les faînes accrochées aux branches… sans parler de l’état sanitaire déplorable des frênes…
    Jean-Pierre au Puy-en-Velay

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  13. Fayard Stéphanie

    Du côté de Lyon, toutes les haies crèvent, des Chênes de 400, 500 ans dépérissent, apparemment quand vous discutez avec des gens, cela n’est pas grave. Si le gouvernement, les pouvoir publics ne font rien, la race humaine n’a plus beaucoup de beaux jours devant elle.

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  14. marie hélène laurenceau

    “En pensant LSD pour les achats alimentaires, comme « Local, de Saison et en Direct » (un article sur les courses en ligne est en préparation). Et bio !”

    C’est quand même vraiment dommage de passer totalement sous silence la première cause de la déforestation, à savoir l’élevage et donc la consommation de produits d’origine animale (dont une découverte scientifique datant des années 40 nous permet de nous extraire) …

    Réponse
  15. Philippe

    Je ne suis pas convaincu que le dépérissement maladif de la forêt française ou européenne soit dû à l’extension de l’élevage industriel. Je vois pas bien le rapport avec la viande LSD même.

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