Certes l’actualité des dernières semaines, largement dominée par la réforme des retraites et la guerre en Ukraine, a laissé peu de champ pour le « reste de l’actualité » selon la triste formule consacrée.
Pourtant une info « environnementale » – selon le filtre journalistique habituellement employé – méritait largement qu’on s’y arrête. Il s’agit de l’effondrement du règne des insectes, dont l’ampleur et la rapidité prend une tournure sidérante, à en croire les récents travaux du professeur Dave Goulson de l’Université de Sussex en Angleterre. Dans son livre « Terre Silencieuse » publié récemment, l’éminent spécialiste des pollinisateurs confirme le scénario à peine croyable d’un effrondrement des populations d’invertébrés de l’ordre de 80% en Europe ces trente dernières années. Un chiffre absolument vertigineux que les scientifiques eux-mêmes peinent à réaliser, bien que les responsabilités soient bien établies, à commencer par celle du modèle agricole intensif et sa panoplie de biocides.
Le plus grave, au-delà de ce que cette extinction accélérée va entraîner à brève échéance pour l’espèce humaine – crises alimentaires consécutives à l’effondrement des cultures dépendantes de la pollinisation, dégradation de la qualité des sols, pressions sur les espèces dont la vie dépend directement ou indirectement des insectes (dont nous, surprise !) et autres effets cocktails en cascade – c’est la façon dont cette information a été accueillie.
Disons-le franchement, la plupart des gens se contrefoutent de l’effondrement de l’entomofaune. Si vous connaissez une personne dans votre entourage (qui ne soit pas naturaliste) que cette annonce a réellement interpellée, levez la main ou mettez votre avis en commentaire.
Comme le résume bien le journaliste Stéphane Foucard dans Le Monde, « L’écroulement des populations d’insectes, à peu près partout en Europe, est la composante la plus terrifiante de la crise écologique en cours. Non seulement parce que le problème est d’une gravité inouïe, mais aussi, et peut-être surtout, parce qu’il demeure complètement absent du débat public et de l’horizon politique de nos décideurs – il est d’ailleurs probable que la majorité d’entre eux n’en sachent à peu près rien. (…) L’effondrement des insectes nous renvoie à cette cruelle réalité : en vérité, nous ne contrôlons rien du tout. »
Ce frisson d’angoisse (temporairement) passé, focalisons-nous à présent sur les solutions que nous pouvons déployer à notre échelle et dont les effets bénéfiques sont avérés.
“Into the Wild” au jardin
Vous avez un bout de jardin ? initiez-vous au rewilding, ça marche ! Et c’est si beau. Délimitez un espace où vous laisserez la nature reprendre ses droits. Surtout approchez-les enfants et observez, c’est absolument fascinant. La vie y pullule, au printemps quand les herbes hautes pousseront vous aurez l’impression d’être dans une sorte de Manhattan version « wild ». Anecdotique comme action ? Par pour le chercheur Dave Goulson, qui estime que si rien qu’en Angleterre les jardiniers particuliers adoptaient cette nouvelle approche au moins sur une partie des jardins, la conversion de millions d’espaces verts privés pourrait contribuer à enrayer le déclin.
« La bio c’est logique, c’est biologique »
Pour l’agriculture « c’est compliqué ». Entre une Christiane Lambert (la présidente de la FNSEA, syndicat majoritaire du secteur) qui nous explique que les pesticides et autres néonicotinoïdes, c’est maîtrisé – alors que le déclin des insectes démontre exactement l’inverse – et des ministres de l’Agriculture qui ne dévient pas vraiment de la ligne « business as usual », il faut se rendre à l’évidence : l’agroécologie dominante face au modèle productiviste, ce n’est pas pour tout de suite.
À moins que… à moins que les dommages causés par cette agriculture dite « moderne » deviennent bientôt si insoutenables et le changement climatique si dramatique – rappelons qu’au-delà de l’effondrement de la biodiversité qu’il cause, le modèle productiviste n’est pas soutenable dans un monde avec moins d’eau – que les pouvoirs publics s’engagent enfin de manière effective et massive en faveur de la transition agricole, et que les consommateurs se muent en consom’acteurs… Vous l’avez compris, il y a clairement une partie du job qui nous revient, à nous consommateurs. Puisqu’on sait que beaucoup de grands changements ont été l’œuvre de minorités actives, il y des raisons d’espérer, surtout si l’on considère les dynamiques qui naissent de ces initiatives. « Les consommateurs qui choisissent l’agriculture bio adoptent souvent ensuite des pratiques vertueuses dans leurs achats, réduction des emballages, respect de la saisonnalité́, réduction de la consommation… » relevait récemment Pierrick de Ronne, le président de Biocoop.
On résume : laisser pousser l’herbe et consommer bio (et local), c’est la base pour nos amis les insectes. En attendant mieux.
Bonjour l’ami,
Mon jardin possède également un petit coin friche et je ne cherche pas à utiliser des saloperies chimiques.
Notez que «la» science, elle, s’en fout de tout ça, les petites bêtes pourront être remplacées de manière bien plu efficaces même; et les technobéats ont un don particulier pour espérer sur le dos des autres. Pas les naturalistes.
Regardons où sont nos vrais amis, indéfectibles, et ceux qui sont prêt à nous chier dans les bottes.
Il est temps de tourner le dos à toute cette technocaste pourrie jusqu’à la moëlle et leurs gimmicks malfaisants, dans très peu de temps il sera trop tard.
Courage