Contraction de « méta » et « univers » (metaverse en anglais), ce monde parallèle virtuel est présenté comme le prochain grand saut dans l’évolution d’Internet. Il doit permettre aux internautes de se libérer des contraintes physiques en multipliant les interactions humaines via la 3D. Un « nouveau monde virtuel » dont Facebook a même fait son nouveau projet d’entreprise, allant jusqu’à renommer sa maison mère « Meta ».
« Tu parles encore de la 5G boloss ? Gros c’est dépassé on est au Métavers ! Jte ban » voilà ce que pourraient vous répondre des jeunes connectés (oups pléonasme) si vous avez des doutes sur le sens de cette fuite en avant vers le tout virtuel. Car le mouvement semble irrépressible et on voit mal ce qui pourrait le ralentir, hormis une panne géante pour cause de grand effondrement qu’on serait presque tenté d’espérer.
On le sait, l’urgence écologique va nous obliger – elle nous oblige déjà – à nous reconnecter avec cette biosphère dont notre survie dépend entièrement. Or on ne peut se reconnecter qu’avec ce qu’on comprend, ce qu’on perçoit. Problème : ce monde virtuel dans lequel nous sommes embarqués nous transforme peu à peu en extra-terrestres. Des extra-terrestres sans vaisseau spatial, « condamnés » à vivre sur la seule planète (encore) habitable connue à ce jour.
Cette prise de conscience de ce qui pourrait bien devenir un cauchemar me percuta un jour de mai, alors que j’attendais mon train en gare de Lyon. Le nez en l’air, j’admirais la belle architecture de l’édifice. Sans réfléchir je m’adonnais à l’activité la plus banale de celui qui s’assoit dans un lieu public : regarder les badauds.
En face de moi une famille de touristes chinois retint mon attention. Les parents et leurs deux adolescents étaient littéralement rivés sur leurs smartphones. Que dis-je : vissés, la tête à moins de 5 cm de leur écran. Tous portaient des lunettes de vue à forte correction de sorte que le reflet des écrans sur le verre donnait un aperçu de leur occupation. Les parents scrollaient frénétiquement sur ce qui ressemblait à un fil twitter (équivalent chinois sans doute) tandis que les ados jouaient en ligne. La scène dura un bon quart d’heure jusqu’à ce que la famille soit interrompue par l’annonce du train, remarquée par la mère sur laquelle semblait reposer la charge des interactions avec le monde extérieur (hors écrans).
Telle une guirlande la famille s’étira en direction du quai, la maman tirant à bout de bras son mari qui saisit d’une main son fils, lequel tira machinalement sa sœur, chacun gardant son smartphone à moins de 10 cm des yeux.
Qu’ont-ils retenu de ce lieu typique de Paris, de cette atmosphère de gare qu’on imagine particulière pour des touristes étrangers ? Probablement rien.
Alors s’émerveiller d’un paysage, observer la forme d’un arbre, la lumière dans son feuillage, écouter le chant d’un oiseau, fermer les yeux pour percevoir des sensations discrètes… On imagine que le rapport à la nature est à l’avenant.
Loin de moi l’idée d’incriminer ces touristes chinois. Cette anecdote aurait malheureusement pu être rapportée dans plein d’autres situations.
Cela doit nous faire réfléchir et nous pousser à aller vers ce qui est désormais contre-intuitif : plus de réel, moins de virtuel. Privilégier une utilisation raisonnée des réseaux sociaux et des expériences digitales pour n’en garder que le bénéfique. Supprimer les applis addictives ou au moins désactiver les notifications (!) et ne pas hésiter à laisser le téléphone dans un tiroir le temps d’un repas ou d’une balade. C’est ce qu’on faisait jusqu’en 2010 et de mémoire j’en garde plutôt un bon souvenir.
#LessIsGood
Photo principale : Edwin Tan / chinese brothers playing multiplayer online gaming.
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