Ces mauvais chasseurs

dimanche 13 septembre 2020

Il y a le bon chasseur… et il y a Willy Schraen, le président de la fédération nationale des chasseurs. Confronté à une défiance sans précédent dans l’opinion publique – plus de 80% des français rejettent la chasse – l’influent patron des chasseurs défend ses troupes avec la délicatesse d’un sanglier lâché dans un salon de coiffure.

En effet ne comptez pas sur ce tribun de la ruralité aux excès trumpiens pour séduire de nouveaux adeptes. Sa stratégie consiste plutôt à défendre une base d’irréductibles, quitte à s’engluer dans de vaines polémiques. Et passer à côté de l’essentiel : raconter un loisir mal connu du grand public. Car au risque de choquer les plus zélés « défenseurs des animaux », souvent eux-mêmes aveuglés par des visions caricaturales à cent lieues de la réalité, les arguments en faveur de la chasse ne manquent pas. Encore faut-il bien les choisir. Et surtout les incarner.

Familier des plateaux télé, Willy Schraen affectionne les joutes avec ceux qu’il désigne volontiers comme des “terroristes de la cause animale” ou des “écolos qui nous font chier”. Ses réactions à l’emporte pièce en font un excellent client pour des émission toujours plus friandes de polémiques.
Nicolas Hulot ? “Le mec il a réalisé que devenir ministre ça rapportait moins de pognon que sa fondation.”
Barbara Pompili ? “Elle veut bouffer du chasseur.”
La chasse à la glu ? “Rien à redire, c’est légal.”
Certains pensent qu’il ne faut plus tuer… “Plus tuer ??? Mais c’est quoi ces conneries ?!?”
Les promeneurs qui ne se sentent plus en sécurité ? “La Nature n’appartient pas à tout le monde.”
En somme : foutez la paix au chasseurs ! On a vu plus rassembleur…

Mais au fait, c’est quoi la chasse ?

La chasse, ce n’est pas piéger des oiseaux avec de la glu (pratique suspendue par décision présidentielle le 27 août), dézinguer des sangliers en mode abattoir, tirer à bout portant sur des faisans relâchés la veille. C’est encore moins déterrer des animaux pour les massacrer, mener des campagnes d’élimination pour « réguler » des populations de « nuisibles » au prétexte fallacieux de la protection de la biodiversité. Cette chasse de viandards, celle-là même qui inspira le célèbre sketch des Inconnus, n’a rien à voir avec celle que pratiquent tant de chasseurs habités par l’esprit de Pagnol et de Vincenot. Ces chasseurs-là sont d’authentiques amoureux de la nature, des contemplateurs, de fins connaisseurs des territoires et de leur biodiversité. Mais ceux-là, vous ne les verrez pas aux Grandes Gueules.

Technique de capture d’un autre âge, la très controversée chasse à la glu consiste à capturer des oiseaux avec de la glu, afin de les utiliser ensuite comme “appelants”. Cette pratique “traditionnelle” interdite dans l’Union Européenne rassemble encore quelques inconditionnels dans le sud de la France. © Comité international contre le piégeage des oiseaux.

Ces chasseurs, c’est à leur contact que j’ai appris, comme tant d’autres, à observer la nature et à l’aimer. C’est mon père avec lequel on trouvait plus de champignons que de passereaux, mon oncle et son vieux setter anglais qui m’apprenait à reconnaître les chants d’oiseaux, le maître d’école à la retraite avec qui nous allions traquer le lapin de garenne accompagnés d’un fidèle teckel à poil dur. Chaque sortie était l’occasion d’une leçon de choses. On apprenait qu’il fallait conserver de larges haies pour que les grives et les merles s’y arrêtent. Que les lapins restaient toujours à proximité d’un bosquet protecteur pour épargner de longs sprints à leur cœur fragile. Que l’agriculture intensive et ses pesticides étaient largement responsables du déclin du petit gibier emblématique de nos campagnes, notamment les perdrix et les faisans autrefois si abondants. Que si on rentrait bredouille, au moins on faisait une belle promenade et surtout bonheur, on apercevait quelques animaux sauvages ! Quelle joie de nous lever aux aurores pour sillonner les champs et la forêt, imprégnés par cette nature éblouissante en robe d’automne. Lors de ces longues marches on nous enseignait l’observation, l’écoute, la connaissance de la vie sauvage. Apprenant ainsi à l’aimer, nous étions d’autant plus soucieux de la protéger. Car une nature préservée abonde en gibier. Quel chasseur digne de ce nom voudrait abîmer le théâtre de sa passion ?

Faisan dans un bosquet. Photo / Zoltan Tasi

Les quelques prises que nous ramenions de temps à autres offraient, il est vrai, une réelle satisfaction. Celle d’avoir eu la bonne fortune de « lever » une perdrix ou encore mieux, un faisan ! Pour le plumer, le préparer et l’honorer lors du repas dominical (la chasse ayant généralement lieu le week-end). Goûter la saveur unique du gibier.

On entend parfois, non sans un brin de provocation, que les chasseurs seraient les premiers écologistes de France. Attention, terrain miné… Beaucoup sont d’authentiques amoureux de la nature et c’est bien cela qui compte finalement.

Les « défenseurs des animaux » les plus hostiles diront qu’on ne peut pas être chasseur et aimer les animaux. Or au risque de les contredire, c’est tout à fait possible. Notamment parce que les chasseurs observent l’évolution des espèces sauvages qu’ils ont appris à reconnaître et qu’ils agissent pour la préservation de leur habitat, jouant ainsi un rôle essentiel sur le terrain aux côtés d’autres passionnés.

Certes, ils n’aiment pas les animaux au sens des antispécistes. Pour ces activistes de la cause animale il ne devrait pas y avoir de distinction entre les humains et les non humains. Dans leur logique nous devrions interdire les abattoirs, libérer les animaux vendus en animalerie, fermer les boucheries et mettre tout le monde au steak de soja. Quel dommage que cette vision radicalisée, totalitaire, détourne l’attention du juste combat que ces activistes mènent contre l’élevage industriel et ses dérives – des abattoirs à l’élevage des poules en cages.

Espérons qu’une synthèse constructive pourra être faite entre ces sensibilités qui ont toutes en commun l’amour de la Nature. Mais pour accomplir cette mission côté chasseurs, il faudra sans nul doute un meilleur ambassadeur.

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