Écoanxiété : « D’abord j’ai pleuré. Et puis j’ai réagi »

dimanche 05 juillet 2020

Alexandra Garibal écrit des livres pour les petits, on lui doit une soixantaine d’histoires de presse et d’édition parmi lesquelles Pomme d’Api, Tralalire, Les Belles Histoires, J’aime Lire, ou encore la fée Fifolette. Quand elle n’écrit pas, cette mère de 4 enfants s’adonne désormais à la permaculture. Une activité qui l’aide à gérer sa détresse face à la crise climatique. Rencontre.

« Tout commence à l’été 2018. Une info – pourtant entendue chaque année depuis quelques temps déjà – crée soudain un déclic, ou plutôt un séisme. Nous sommes dans la voiture sur la route des vacances. À la radio, un journaliste énonce que le 1er août est le « jour du dépassement » à partir duquel l’humanité vit à crédit pour le reste de l’année puisque toutes les ressources naturelles que la planète produit pour un an ont été épuisées.
Je suis saisie. Car nous, nous vivons comme si de rien n’était.

Je ne dors pas pendant trois jours et pleure sans m’arrêter. Surtout en regardant mes enfants : quel sera leur avenir ?

Puis, après être restée quelques temps tétanisée dans une pensée collapsologiste, je décide que je ne vivrais pas en attendant que la fin du monde nous tombe dessus dans 10 ans. Et je me mets à rechercher comment agir dès aujourd’hui, à ma petite échelle.

Étape 1 : le zéro déchet

Dès septembre je pose la première pierre du « zéro déchet » à la maison. Achats en vrac de nourriture comme des produits d’hygiène, acquisition d’une yaourtière, suppression de tous les achats de produits éphémères ou jetables (mouchoirs, essuie-tout…), fabrication de lessive, dentifrice… j’investis même dans les couches lavables pour mon bébé. Bon… je confesse avoir arrêté ces dernières pendant le confinement, car malgré l’immense satisfaction de voir ma poubelle se vider pour presque disparaître, l’énergie déployée pendant cette période éprouvante m’oblige à faire quelques ajustements car l’épuisement guette. C’est ça la clé du zéro déchet : faire ce qu’on peut, du mieux qu’on peut. Mais pas se mettre la rate au court-bouillon non plus.

En parallèle, je ne prends ma voiture que très rarement et favorise le vélo ou le métro, en me jurant de ne plus jamais prendre l’avion de ma vie.

Je vis alors le principe du zéro déchet comme une ouverture, une énorme bouffée d’oxygène.
Je donne beaucoup, beaucoup de nos affaires, trie, vide des cartons, range, remets en place…

Sortir de l’impasse écologique à l’échelle individuelle

Et quand je finis d’établir cette nouvelle règle de vie à la maison et cherche quelle sera l’étape suivante pour aller plus loin, je tombe sur un article qui éclaire tout.

En réalité, le zéro déchet est le chapitre 7 d’un livre, Permaculture, écrit dans les années 70 par deux australiens : David Holmgrem et Bill Mollison. Je découvre alors qu’il existe bien plus grand et plus vaste que le zéro déchet. Une philosophie extraordinaire qui peut nous sortir de l’impasse écologique : la permaculture.

Ni une, ni deux, je m’inscris en stage d’initiation pour une journée… puis pour 6 mois dans la semaine qui suit.

Je réalise que l’être humain appartient à un écosystème circulaire dans lequel la vie génère la vie. Que si l’homme reprend sa juste place dans son écosystème et participe à son implémentation en cessant de vouloir être au-dessus de tout dans une vision linéaire, il y a une issue pour enrayer la crise climatique actuelle et inverser la tendance. J’apprends que la Nature est résiliente et définitivement bien faite. Qu’évidemment les mauvaises herbes n’existent pas, et que le papillon tout comme la limace ou le cloporte ont une place essentielle dans l’équilibre des écosystèmes sans qu’aucun des trois prédomine sur les autres.

Plus concrètement, je redécouvre que la nature est par essence la pro du zéro déchet, le meilleur exemple étant sans doute celui de la forêt. Les feuilles mortes et autres matières organiques à terre n’ont besoin de rien ni de personne pour être ramassés : la vie du sol (vers de terre, champignons, micro-organismes…) se charge de la décomposer et de s’en nourrir. Mieux, ces « déchets végétaux » décomposés protègent le sol et l’enrichissent, mieux que n’importe quel engrais. Dès lors je décide de ne plus jamais ramasser ni feuilles mortes ni tonte d’herbe dans mon jardin !

Le jardin mandala, entre jardin vivrier et création paysagère

Cette découverte de la permaculture fait naître une profonde envie de subvenir pour partie à nos besoins alimentaires. Nous quittons notre appartement pour emménager dans une maison avec un jardin. Sur les 400 m2 d’espace extérieur, nous réservons 150 m2 pour l’aménagement d’un potager familial en permaculture.

Dans jardin familial 150 m2 sont consacrés au potager Mandala.

Nous avons commencé avec le maraîchage et les associations de cultures qui sont emblématiques de la permaculture. L’idée est d’associer des plantes entre elles pour qu’elles s’entraident mutuellement. Pour illustrer ce principe, on cite souvent l’exemple des Incas qui ont imaginé « les 3 sœurs », l’association de maïs, courges et haricots grimpants. Le maïs sert de tuteur aux haricots. Les courges servent de tapis végétal avec leurs grandes feuilles couvrantes. Les haricots captent de l’azote qu’ils restituent aux deux autres. Le tout en jouant sur un plan horizontal (courges) mais aussi vertical (maïs et haricots).

Pour préparer le sol j’ai d’abord bâché mon terrain plusieurs mois, en ayant au préalable épandu des feuilles mortes, de la tonte d’herbe et toutes sortes de déchets végétaux broyés sur toute la surface du futur potager. Puis j’ai laissé l’ouvrage « dormir » pendant 6 mois. Mes différents apports ont nourri la faune sous-terraine qui a préparé et enrichi mon sol.
Quand j’ai retiré la bâche, le sol était noir et meuble, ça grouillait de vie. Une terre sombre voire noire, c’est plutôt bon signe !

On a passé tout le confinement à créer notre mandala, sans retourner plus de 30 à 40 cm de terre pour former nos buttes. Pour créer ces dernières, on soulève et on aère le sol à l’aide d’une grelinette, incroyable objet créé par un certain monsieur Grelin qui permet de recréer un dynamisme biologique sur des sols tassés. Ensuite, on ne marche plus jamais sur les buttes de culture et on crée des accès avec des planches en pas japonais.

Une fois le jardin mandala dessiné j’ai laissé reposer 15 jours et j’ai planté en associant mes végétaux. Au préalable j’avais fait mes semis avec des graines achetées chez Kokopelli et Germinance.

Pour le design, on met de grandes plantes plutôt à l’extérieur du mandala pour protéger les plus petites au milieu. On joue avec les aromatiques et les fleurs qui sont essentielles pour attirer les polinisateurs.

Une astuce de mon ami et formateur permaculteur Maxence Meheust que j’aime à répéter : « ce qui marche dans l’assiette fonctionne très bien au potager ». Des tomates associées au basilic et aux oignons fonctionnent ainsi très bien associées dans mon jardin. Chez moi, les tournesols remplacent le maïs pour faire des tuteurs aux haricots. J’ai également associé des concombres et des fraises sur cette même planche, et ces quatre variétés se développent bien ensemble. Mais j’ai noté par exemple que mes aubergines faisaient grise mine près des courgettes, tandis qu’elles grossissent à vue d’œil associées aux tomates… À chaque jardin ses spécificités et il faut faire des essais ! Ce qui marche chez les uns n’est pas reproductible partout, tout dépend de son terrain, son orientation, sa terre…

Début juillet cette année, je récolte ainsi des radis, des laitues, des courgettes, des haricots, des fanes de betteraves et quelques fraises. J’ai déjà supprimé mes rangs de choux japonais afin de libérer de l’espace pour les légumes d’automne à planter cet été. Mais ça n’est que ma première année. Le jardin va se densifier et les cultures avec ! Quant-aux « nuisibles », il semble pour le moment qu’ils n’aient pas encore repéré mon potager. Les insectes vivant dans un monde d’odeurs et de couleurs, le grand nombre de variétés de légumes, aromatiques et fleurs associés y est sans doute pour quelque chose et ont dû les perdre… mais sans nul doute qu’ils vont s’adapter et l’année 2 sera plus technique… Je compte alors m’associer avec la nature pour recréer un écosystème et avec lui un équilibre qui permettra à tout le monde d’en profiter !

Pour rester dans cette dynamique circulaire, j’ai bien sûr installé un composteur et ai investi dans un broyeur à végétaux pour exploiter tout ce que je coupe et taille. Je vais même chez mes voisins pour récupérer leurs déchets végétaux ! Ça me permet de pailler pour la terre humide et la nourrir. 

Quant à l’eau, si précieuse en ces temps de canicule, c’est ma prochaine mission : nous installerons cet hiver des récupérateurs qu’on peut enterrer.

Rien ne se perd, tout se transforme…”

Le saviez-vous ?

La permaculture s’articule autour de trois piliers :

– La Nature, l’exemple inspirant pour n’importe quel permaculteur. Elle se renouvelle, elle n’a pas besoin de nous, elle est résilience.

– Les connaissance ancestrales. Lire sur ce sujet « Guérir la terre, nourrir les hommes » de Perrine et Charles Hervé-Gruyer créateurs de la ferme du Bec Hellouin en Haute-Normandie. En particulier le passage sur les maraîchers parisiens au 19ème siècle qui utilisaient le crottin de cheval pour créer de la chaleur et produire des légumes, même en hiver… Ils avaient une intuition très permacole.

– Les outils scientifiques : pour comprendre les écosystèmes, la vie des sols et leurs micro-organismes.

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