Le labour, ce massacre

vendredi 20 mars 2020

« Le labour, c’est du massacre »  lance sans hésitation Claude Bourguignon lorsqu’on l’interroge sur cette pratique agricole ancestrale.

Claude et Lydia Bourguignon ont lancé le LAMS – Laboratoire d’analyse microbiologique des sols. Les deux biologistes entrés en rébellion contre le système agricole productiviste se sont fixés comme mission, voilà 30 ans, de réconcilier les paysans avec la Terre. Comment ? En prônant le retour vers une agriculture agro-sylvo-pastorale, que l’on pourrait résumer comme une collaboration intelligente et subtile entre le paysan et sa terre. Une technique agricole qui tire profit de la diversité des sols et de leurs richesses, à l’opposé du labour, des engrais et autres intrants chimiques, symptômes d’une agriculture industrielle.

Avec les connaissances acquises ces dernières années, nous réalisons l’absurdité du labour profond, qui consiste à retourner la terre en profondeur pour y enfouir la matière organique.

Ce constat sonne comme un évidence si on compare un champ non labouré avec une terre lacérée comme sur la photo. Dans le premier la terre est grumeleuse, meuble et fertile. Pour une raison simple : on y laisse pousser des plantes de couvert – principalement du trèfle ou de la luzerne – dont la fonction principale consiste à protéger le sol tout en assurant sa fertilité naturelle. Dans le second la terre est lisse, dure comme du béton. Les racines y pénètrent difficilement et l’eau y ruisselle, emportant avec elle le bien le plus précieux du paysan : son sol. Pour nourrir les plantes sur ces surfaces dépourvues de vie, un seul remède : les engrais. Et pour protéger les plantes qui y poussent difficile de se passer de produits chimiques.

Une catastrophe pour la nature, la terre et les humains. En revanche, une aubaine pour l’agrochimie qui maintient ainsi sous perfusion le monde paysan, s’assurant des revenus toujours plus réguliers, résultat d’un implacable cercle vicieux : toujours plus d’engrais pour nourrir des sols qui s’appauvrissent, toujours plus de chimie pour protéger des plantes fragilisées.

Sur une terre exploitée sans labour ni intrants, les plantes de couvert nourrissent la faune du sol, principalement les verres de terre, lesquels apportent aux plantes des nutriments tout en aérant le sol au fil de leurs allées et venues à la surface.

Cette fascinante faune assure ainsi gratuitement le travail effectué à grands frais par le tracteur, les engrais et autres traitements chimiques. Avec à la clé, surtout, des produits de qualité et de meilleurs revenus pour le paysan.

Alors vous vous demandez : mais pourquoi on ne fonce pas ?

Parce que cela n’arrange pas les affaires du puissant système agro-industriel qui maîtrise l’ensemble de la chaîne, des semences jusqu’au traitement. Ensuite parce qu’on ne change pas des habitudes séculaires si facilement. Pour beaucoup d’agriculteurs cesser le labour demande une remise en question complète du logiciel. Si heureusement les choses bougent avec la nouvelle génération, chez les anciens cesser cette pratique reste impensable. Difficile également de se passer du gros tracteur, symbole de réussite… et puis quoi de plus efficace que la machine pour décompacter la terre et éviter les mauvaises herbes de pousser ? Lorsqu’on écoute les défenseurs du labour, on réalise qu’il y a encore du pain sur la planche pour faire évoluer les mentalités. De fait aujourd’hui plus de 90% des exploitations pratiquent encore le labour.

Quant-aux plus motivés il ne faut pas négliger les obstacles financiers qui se dressent devant eux, lorsqu’on sait qu’une conversion en agriculture biologique prend 5 ans. Complexe conversion lorsque beaucoup d’exploitations demeurent enchaînées à l’impératif de rendement, ayant dû s’endetter lourdement pour entrer dans l’ère du productivisme.

Alors même que les exemples de conversions réussies en agro-écologie se multiplient partout sur le territoire, la transition globale du monde agricole vers un modèle vertueux tarde donc à se concrétiser.

Il sera difficile de faire bouger les choses rapidement sans une volonté politique forte. Espérons que la réforme de la PAC* prévue en 2021 aboutira à la reconnaissance du modèle agro-écologique, centré sur le vivant, comme nouvelle norme en Europe.

En attendant mangez bio et achetez en direct des exploitations ! Vous ferez ainsi votre part.

(*) Fondée en 1962, la Politique Agricole Commune représente le premier budget européen avec 50 milliards d’euros reversés en partie sous forme d’aides directes aux agriculteurs. Jusqu’à présent la PAC a contribué à l’essor du modèle agricole productiviste en favorisant le déploiement d’exploitations de grande taille.

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