Avant les fêtes on a lu beaucoup d’articles boîte à outils pour savoir comment aborder les questions environnementales qui ne manqueraient pas de s’inviter au repas de Noël. On pouvait trouver des conseils utiles pour savoir quoi répondre au grand père climatosceptique – quelques spécimens sévissent toujours – ou à la tante réac qui rejette la faute sur ces chinois qui « polluent tellement plus que nous », sans se mettre à dos tout le monde en passant pour un Khmer vert, comme le cousin vegan resté à Clermont-Ferrand pour cause de TGV annulé et refus de se rabattre sur un mode de transport émetteur de CO2.
Pour ma part j’étais certain que mes pintades aux abricots et leur purée maison accompagnées d’un Château La Lagune emmèneraient les convives vers des sujets plus festifs ou tout au moins plus consensuels. Hélas il n’en fut rien et la jeune génération, incontestablement plus préoccupée par la question écologique, emmena rapidement la conversation sur l’éco-anxiété. De quoi s’agissait-il, qui l’était et surtout comment gérer cette détresse ?
Les baby-boomers présents reconnurent qu’aucune question existentielle de cet ordre n’avait traversé leur esprit quand ils étaient jeunes et on sentait chez eux une certaine inquiétude à voir des gens de vingt ans se poser des questions aussi sérieuses, avec toutes les répercussions que cela implique, à commencer par la remise en question du choix d’avoir des enfants dans un monde dans lequel il paraît si difficile de se projeter.
De cet échange un peu chaotique il n’est pas sorti de grande idée ou de réponse simple, plutôt de la confusion. La discussion a finalement bifurqué vers d’autres sujets, les convives percevant certainement le poids du débat sur l’ambiance générale.
Je serais curieux de savoir combien de familles ont été percutées par ce thème à l’occasion du dîner de Noël. Beaucoup, c’est certain. Comment pourrait-il en être autrement après une année 2022 marquées au fer rouge par les crises écologiques ?
Certains relativisent la gravité du problème ou affichent une confiance absolue dans le progrès, d’autres assument une relative indifférence, d’aucuns apparaissent anxieux voire dépassés… Les dîners de famille offrent ainsi, à travers une palette de sentiments mêlés, une expérience sociologique passionnante. On comprend surtout que la crise écologique ne peut pas être abordée comme n’importe quel sujet tant ses implications sur nos vies sont profondes et complexes.
Ce qu’il en ressort, me semble-t-il, c’est qu’en 2022 la prise de conscience est globalement là, la gravité de la situation ne fait plus guère débat. On sent monter une peur que chacun gère comme il peut devant un phénomène qui nous dépasse par son ampleur et sa gravité, sa rapidité aussi.
Je me remémore ainsi une interview il y a quelques années dans laquelle un écologue expliquait que les conditions de la vie sur terre ; les choses banales du quotidien telles que les saisons, les températures clémentes sous nos latitudes, la biodiversité à l’état d’abondance etc. étaient en réalité un pur miracle d’une fragilité extrême.
Aujourd’hui nous commençons à véritablement comprendre cela, que ce qui était jusqu’alors considéré comme acquis – une planète habitable – ne l’est plus, voyant se produire sous nos yeux des événements qui paraissaient inimaginable il y a seulement deux décennies. Je me souviens qu’à l’occasion de mon premier vote pour une élection présidentielle – c’était en 2002 – déjà préoccupé par les questions environnementales je votai pour la candidate Corinne Lepage. À cette époque on parlait beaucoup de pollution de l’air, de déchets nucléaires, d’OGM, beaucoup moins d’énergies renouvelables, presque pas de réchauffement climatique et pas du tout d’effondrement de la biodiversité. Si on m’avait alors dit qu’en 2022 on dépasserait 40 degrés l’été à Paris, que les 50 degrés seraient en ligne de mire et qu’on aurait perdu 80% des insectes en Europe, je n’y aurais certainement pas cru.
Il faut prendre la mesure du séisme que ces événements produisent sur nous, la remise en cause des modèles établis, ceci d’autant que nous commençons à comprendre que nous sommes certainement loin d’avoir tout vu.
Malgré ce contexte pour le moins anxiogène, il est possible de puiser de l’inspiration, du courage et même du bonheur dans tous les changements profonds qui s’imposent. Car il y a une conviction que j’ai acquise en discutant avec toutes les personnes interviewées pour Le Terrien : les opportunités, les personnes inspirantes, les expériences à vivre sont nombreuses dans cette nouvelle perspective qu’il nous faut tracer. Tout n’est pas que catastrophes et sacrifices, il y a du sens et du bonheur à la clé, aussi.
Même l’astrophysicien Aurélien Barrau, qui n’est pas connu pour son optimisme sur ces sujets, admet qu’il y a quelque chose d’exaltant dans la période actuelle et dans les opportunités qui s’offrent à nous.
En 2023 je vous souhaite donc d’aborder l’année en saisissant ce potentiel, et si ce n’est pas déjà fait de trouver le projet qui vous animera et vous aidera à stimuler l’acteur du changement qui est en vous. Quoiqu’il en soit ce n’est pas le moment d’être abattu car les challenges qui s’annoncent sont avant tout des occasions de vivre mieux !
Photo principale : capture d’écran tirée du clip “All I Want For Christmas Is You” de Mariah Carey.
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