C’était une belle journée printanière. En route pour la Bourgogne, je remarquai en bordure de la nationale 6 un tracteur en plein épandage sur une parcelle de colza, à proximité immédiate d’habitations. Une aire de jeux pour enfants jouxtait littéralement le champ. C’était avant qu’une vague d’agressions viennent toucher des agriculteurs sur fond d’inquiétude écologique et sanitaire. Sensibilisé sur la question des produits phytosanitaires comme tout citoyen qui s’informe, une question de bon sens me traversai l’esprit : « est-ce qu’il n’y a pas un réel problème à appliquer des traitements chimiques – pesticides, fongicides ou herbicides – destinés à tuer des organismes vivants, à proximité d’habitations ? ».
Cette question très simple, il faut l’avoir à l’esprit pour comprendre la raison du mal nommé phénomène d’agribashing. Car cette inquiétude légitime chemine dans les esprits au fur et à mesure que nous prenons conscience de la dangerosité des produits chimiques employés toujours plus massivement dans l’agriculture intensive. Et si des individus en viennent aux mains, ce n’est certainement pas à mettre sur le compte d’une prétendue tendance à l’agribashing, totalement insensée dans un pays historiquement très attaché à ses paysans.
Ces comportements, certes condamnables, sont plutôt la conséquence d’une absence de réponse claire et rassurante à la question simple que je me suis moi-même posée.
Bien au contraire, en limitant l’interdiction d’épandage à proximité des habitations à 5 voire 10 mètres, le gouvernement illustre de manière alarmante le poids des « acteurs économiques », en l’occurrence le lobby des pesticides. Car même si la France peut se targuer d’être le premier pays à prendre une telle mesure, la portée anecdotique de la limitation interpelle. La réaction de la FNSEA, syndicat majoritaire dans la profession agricole, nous donne un éclairage édifiant : à la mise en place de zones de non-traitement, l’un de ses portes parole estime que « ce sont des retraits importants de terres agricoles, ce qui représente un manque à gagner très important surtout dans les zones périurbaines ».
Pour ces défenseurs d’un modèle productiviste largement dominant, une culture soustraite aux épandages de pesticides serait donc une culture vouée au déclin. Nos paysans auraient ils perdus leur fameux bon sens ?
Et que dire des arguments consternants employés en boucle par ces fanatiques de l’épandage qui prétendent défendre le monde paysan, lorsqu’il nous disent « oui, ce sont des produits dangereux, mais nous en limitons l’usage au maximum et grâce à la technologie de précision nous maîtrisons totalement les risques ».
Il faut regarder les chiffres de l’industrie des pesticides pour prendre la mesure des forces en présence et comprendre que ces acteurs mènent une stratégie internationale qui n’a qu’un seul but : préserver ses intérêts propres.
Retenez trois chiffres :
- Les 5 leaders de l’industrie des pesticides génèrent plus de 53 millards d’euros de chiffre d’affaires
- 1/3 de leur activité repose sur la commercialisation de produits classifiés comme “extrêmement dangereux” par l’Organisation Mondiale de la Santé
- 60% de leurs ventes sont réalisées dans les pays émergents ou en développement, où les réglementations en matière d’environnement et de sécurité sanitaire sont plus souples, voir inexistantes.
Tandis que se compilent les études faisant état de risques avérés sur la santé publique, le principe de précaution ne devrait-il pas au contraire supplanter des intérêts économiques douteux ? Comment croire à la maîtrise des risques lorsque des études récentes établissent la présence de pesticides jusque dans l’air que nous respirons ?
Le scandale dans cette affaire est que de manière flagrante les responsabilités ne sont pas assumées, les décisions repoussées. Et au final on oublie l’intérêt général au profit d’une filière économique monstrueusement puissante.
Toutefois hors de question de blâmer les seuls agriculteurs car nous portons une responsabilité collective. En effet les paysans ne font que produire une alimentation que nous voulons « pas chère », en témoigne un budget alimentation en baisse constante, tandis que nous vivons à l’ère des plats préparés et des pauses dej éclair. Nous sommes, consommateurs, au cœur de la problématique. À nous de devenir la solution !
Plutôt que de vous lancer à l’assaut d’un tracteur, partez donc à l’aventure au marché, armé d’un sac de courses ! Regardez, touchez, sentez les beaux produits qui poussent dans nos champs ! Reconnaissez les meilleurs fruits et légumes avec les enfants. Cuisinez, recevez, festoyez ! Visitez les fermes ouvertes au public près de chez vous, trouvez les paysans qui vendent leurs produits en direct, ils sont de plus en plus nombreux !
Alors, vous avez dit agribashing ?!?
#thepoweroflove
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