Écologie : où en est la droite ?

jeudi 07 mai 2020

Parce que dans un monde à reconstruire l’écologie devrait être la préoccupation de tous les partis politiques, nous avons interrogé une jeune figure de la droite pour savoir comment, sur une partie de l’échiquier pour le moins discrète sur la question, on comptait s’emparer de cette thématique devenue stratégique.

Julien Dive a 35 ans, il est député LR de l’Aisne et dirige une mission parlementaire sur le suivi de la sortie du glyphosate. Cet élu qui se revendique d’une droite sociale souhaite investir l’environnement qu’il perçoit comme un champ laissé en friche par sa famille politique depuis la loi Grenelle.

Au fil de l’entretien, on note que Julien Dive a un point commun avec Greta Thunberg : comme l’adolescente militante, il invoque la science. Mais pas la même…

On entend très peu la droite sur l’écologie, comment l’expliquez-vous ?

« La droite a été fer de lance sur la question environnementale il y a 10 ans. Nous avions fixé le cap. Or aujourd’hui encore plus qu’à l’époque, on ne peut pas faire sans la question environnementale. Cette question est l’affaire de tous.

« La question environnementale, on ne peut pas faire sans »

Julien Dive.

La droite doit absolument s’emparer des enjeux environnementaux même si on ne prône pas tous la même chose, loin s’en faut. Certains sont pour le punitif et d’autres, comme à droite, plutôt pour l’incitatif. On doit être dans une politique qui fixe des objectifs tels que la réduction des intrants et de l’empreinte carbone, la conversion à l’agroécologie. Mais il faut créer derrière de l’incitation et de l’accompagnement. On a trop souvent le réflexe de fixer le cap et de sanctionner, or quand vous faites ça vous mettez en difficulté beaucoup d’acteurs. C’est par exemple le cas lorsqu’en agriculture on demande de réduire les intrants avec un objectif de réduction de 50% à l’horizon 2025, tout en sachant qu’on y arrivera pas.

Finalement on y va à marche forcée en faisant crever des filières.

Pensez-vous que les filières puissent bouger d’elles-mêmes quand on voit que la consommation de pesticides en France a augmenté de 25% entre 2017 et 2018 ?

Malheureusement on ne le voit pas, car en France on se réfère à l’achat de pesticides, non à l’application sur les terres. En voyant les échéances arriver, la filière anticipe et donc achète et stock les produits en question. Vous avez donc l’impression de voir une augmentation de l’utilisation d’intrants mais les chiffres ne reflètent pas forcément la réalité du terrain. D’ailleurs l’application se fait sans traçabilité en dehors de ce que l’agriculteur veut bien noter sur son cahier.

On n’a pas d’information fiable aujourd’hui sur l’utilisation des pesticides sur nos terres.

Donc lorsque le ministère de l’agriculture nous informe que le nombre de doses unités (NODU) de pesticides – indice de l’intensité du recours à ces produits – utilisés en France en 2018 a crû de 24% par rapport à 2017, vous dites que cela n’a rien à voir avec l’utilisation effective de pesticides ?

Non, puisque la seule donnée dont nous disposons, c’est les achats.

S’ils sont achetés, on imagine que c’est pour être utilisés, non ?

Pour côtoyer des agriculteurs quasi-quotidiennement je peux vous assurer que beaucoup anticipent et stockent par précaution. Mais cela ne les empêche pas de faire des efforts.

On doit s’interroger sur le vrai sujet, celui qui explique en partie les pratiques agricoles que certains dénoncent : c’est le coût du travail. Je pense en particulier au maraîchage… ce qui tue le maraîchage en France, c’est le coût du travail. Jugez plutôt : la barquette de fraises françaises coûte 5 euros, l’espagnole la moitié. Parce que le coût du travail n’est pas le même, ainsi que les règles environnementales. Si on veut que nos maraîchers puissent vivre de leur activité, il faut qu’on ait des règles communes qui permettent de payer nos producteurs.

Si vous raisonnez sans prendre en compte les autres marchés, ça ne peut pas fonctionner. Prenons l’exemple du glyphosate. En France on n’utilise pas de Glyphosate sur les plantes en pleine terre, on l’utilise en inter-culture. Or en Argentine pour ne citer qu’un exemple, ce n’est pas le cas, on l’utilise en pleine terre. Et les produits issus de ces exploitations concurrencent nos productions françaises !

Quand on dit en France qu’on veut arrêter le glyphosate, on ne donne pas les moyens à la filière de le faire. Or il faut donner les moyens pour accompagner une filière en transition, en impliquant les acteurs de la science pour trouver des alternatives, que ce soit en bio contrôle ou en développant d’autres techniques de cultures.

Justement, en matière de techniques d’agriculture, que pensez-vous de l’agroécologie et plus généralement des techniques ancestrales qui s’appuient sur l’équilibre entre les écosystèmes, à l’opposé des monocultures et de l’agriculture dite « moderne » ?

L’agroécologie je dis OK, en revanche ça dépend de ce qu’on met derrière. Qu’on dise que la terre nous nourrit et qu’à ce titre elle doit être respectée, et donc limiter l’usage de certains produits phytopharmaceutiques, je suis d’accord. Tous les agriculteurs que je côtoie, qu’ils soient en conventionnel ou déjà reconvertis à l’agroécologie, me disent qu’ils ont fait des efforts considérables sur cette question.

« Zéro phyto, c’est du mytho »

Quant aux techniques ancestrales, cela me fait penser au non labour. Cette agriculture dite de conservation des sols. Mais on ne peut pas la pratiquer partout, peut être sur  20% des surfaces agricoles tout au plus. Tous les agriculteurs vous diront qu’il faut désherber et que pour désherber il faut pouvoir utiliser certains herbicides. Avec des quantités moindres bien sûr. L’agroécologie rentre tout à fait dans ce cadre-là, ça ne peut pas être du bio à 100%.

D’ailleurs une agriculture zéro phyto, ça peut être risqué dans certaines cultures. N’oublions pas que certes la nature est bien faite, mais elle peut aussi être un danger pour l’homme. C’est l’exemple du Datura, une plante toxique qui peut provoquer des hallucinations. Chez Bonduelle par exemple, un industriel présent dans ma circonscription, on est très prudent sur l’utilisation des phyto avec des règles sanitaires draconiennes. Et bien chez eux, la propagation du Datura oblige à jeter des stocks importants de haricots…

Est-ce que l’utilisation répétée de produits phytosanitaires ne crée pas justement des fragilités dans les écosystèmes, et in fine la résistance de plantes indésirables ?

Je ne suis pas agronome ou scientifique, il faudrait interroger l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Je fais confiance à la science et je voudrais qu’on rappelle que la science joue un rôle important dans l’agriculture de demain, qu’elle soit raisonnée ou agro-écologique. Elle doit avoir sa place.

Vous présidez une mission parlementaire sur le suivi de la sortie du glyphosate, qui doit avoir lieu en janvier 2021. Quelle position défendez-vous ?

On ne pourra pas arrêter le glyphosate demain pour tout le monde. Certains systèmes de cultures arriveront à s’en passer, je pense à certaines grandes cultures, en revanche pour les agricultures raisonnées où on ne pratique plus le labour, on ne pourra pas s’en affranchir. Il faudra sans doute prévoir des dérogations en attendant qu’on trouve des alternatives sérieuses au glyphosate. Idem pour les vignes en coteaux qui ne peuvent pas être désherbées avec des machines et qui sont, comme tant d’exploitations, contraintes par le coût de la main d’œuvre.

Que pensez-vous du débat sur les distances de sécurité pour les épandages de pesticides à proximité des habitations ?

Sur les distances de sécurité on a voulu passer en force. Sans concertation, le ministre a pris une décision par décret sans faire confiance à la filière. On n’a pas pris en compte les outils et les techniques qui existent, je pense à des pulvérisateurs qui sont utilisés avec peu de trainées. On aurait aussi pu imaginer un fond spécial pour inciter à la plantation de haies filtrantes sur les 5 mètres qui séparent des habitations… ou encore n’autoriser qu’à certains moments ou dans certaines régions en prenant en compte les contextes locaux comme la météorologie notamment.

Au lieu de cela on a créé des crispations des deux côtés, dans le monde agricole et dans la population qui a le sentiment que les paysans les polluent, alors que ça n’est pas toujours vrai. De mon point de vue en tout cas, ça n’est pas vrai.

Je note d’ailleurs que dans la crise que nous traversons, la confiance en nos agriculteurs est revenue.

Vous qui reconnaissez que le champ de l’environnement a été laissé en friche par la droite, si vous deviez porter une vision sur l’écologie, à droite, quelle serait-elle ?

Je préfère parler d’environnement car ça englobe tout un écosystème. Tout ce qui va dans le sens d’une amélioration de l’emprunte carbone ou de la préservation de la biodiversité est bon à prendre. Mais je ne veux pas qu’on force.

Vous prônez un pacte sanitaire et environnemental…

Au moment de la relance il y  aura des dépenses indispensables dans la santé et plus largement toutes les questions devront intégrer les enjeux environnementaux, du transport à l’alimentation. L’alimentation et la santé sont d’ailleurs étroitement liées.

Il faudra à l’avenir que la population ait accès au bio ou aux moins à des produits les plus sains possibles. Il ne faut pas que cette alimentation de qualité soit réservée à une élite, cela fait partie du pacte que j’appelle de mes vœux.

Cela signifie aussi ramener de la raison dans la consommation. Un produit qui a fait 5 fois le tour de la planète avant d’atterrir dans l’assiette, ça n’est plus possible. Il y a un gros travail de sensibilisation à mener.

Vous percevez donc une opportunité économique dans la transition écologique ?

Bien sûr. À condition d’accompagner les filières pour ne pas fragiliser celles qui sont déjà en place. On a une économie bio qui se développe en France, qui tend à croître chaque année, et le fait de pouvoir accompagner ceux qui ne sont pas convertis au bio est une bonne chose.

Mais à faire trop rapidement les choses on crée des déséquilibres au risque de tuer notre agriculture. Par exemple avec la loi Agriculture et Alimentation, on a voulu recourir au local ou au bio pour toutes les cantines scolaires, ce qui est une bonne chose sur le principe. Sauf qu’à vouloir le généraliser trop rapidement, les entreprises de restauration collective vont devoir importer du bio car la France seule ne peut pas couvrir la demande. Et ce bio risque de venir de pays de l’est avec des doutes sur sa qualité. Et que dire d’autres productions « bio » asiatiques carrément douteuses. En définitive à vouloir aller trop vite, vous déstabilisez un marché.

Quels gestes adoptez-vous au quotidien, à la maison ?

Je pratique le localisme. J’ai un composteur et un potager.

Cette philosophie que je prône peut d’ailleurs être pensée à l’échelle d’une région, d’un pays ou même de l’Europe.

Sur mon territoire nous avons récemment organisé une vente directe auprès des producteurs sur le parking d’un supermarché. L’opération a fait un carton et je pense qu’il y a beaucoup de leçons à en tirer pour rétablir le lien entre producteurs et consommateurs, garantir une alimentation de qualité accessible et ramener la valeur dans le portefeuille de nos producteurs. Finalement, pendant cette période de confinement, on innove ! On voit se développer de nouveaux distributeurs automatiques, des drives producteurs qui permettent de s’approvisionner en direct tout en respectant les règles sanitaires. Bref, on supprime des intermédiaires qui captent la valeur sans toujours jouer le jeu.

Comment expliquer en effet que tandis que le prix de la viande payé à l’éleveur a légèrement baissé, les prix en rayons bondissent parfois jusqu’à 50% ?

C’est le printemps. Vous qui aimez la nature, les hirondelles sont-elles revenues dans l’Aisne ?

Oui depuis début avril je vous le confirme, les hirondelles sont de retour dans nos fermes où elles ont repris leurs habitudes.

Vous ne notez pas de baisse de leur nombre ? C’est une bonne nouvelle !

Je n’arrive pas à noter s’il y a une baisse de fréquentation des oiseaux, il paraît que oui, je veux bien croire les études qui ont été menées.

Le déclin de la biodiversité, c’est quelque chose qui vous interpelle ?

Bien sûr que oui, mais regardons la cause réelle. Est-ce que tous les maux viennent du monde agricole ? je ne crois pas. N’oublions pas aussi que nous sommes un pays agricole. On a emmené l’agriculture dans un modèle en disant à tout le monde « il faut nourrir la planète » et maintenant on leur dit de changer de modèle et de se débrouiller.

Si on veut nourrir 10 milliards de bouches, il faut pouvoir le faire. »

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