Les crises ont cela de positif qu’elles agissent comme des accélérateurs de transition. Ainsi la réalité de l’urgence climatique n’a pas échappé à certains entrepreneurs engagés qui ont su y déceler des opportunités pour imaginer des business modèles à la fois durables et inspirants. Exemple avec Parcel, nouveau concept d’hébergement de loisir insolite imaginé par des anciens de l’hôtellerie de loisir et des spiritueux. Rencontre avec Ghislain d’Auvigny, co-fondateur et ancien directeur général de Pierre & Vacances Espagne.
Avec Parcel, vous proposez à la location des Tiny House éco-responsables installées sur les exploitations de producteurs locaux. Après avoir travaillé 25 ans pour Accor et Pierre & Vacances, on peut dire que vous prenez le contre-pied de l’hébergement touristique traditionnel…
« En effet, c’est quelque chose qui nous tenait à cœur depuis longtemps et les événements ont accéléré la concrétisation du projet. Nous proposons effectivement un concept plus petit, plus humain, plus proche de la nature. Cela ne veut pas dire que ce que fait Pierre & Vacances n’est pas bien, d’autant que le souhait d’amener le groupe vers des activités plus responsables, écologiques et locales est réel. De toute façon, qu’on s’appelle P&V, Club Med ou qui que ce soit, tout le monde va être amené à revoir la façon dont les voyages de demain seront organisés.
En cela notre offre répond à une forte demande sur un marché de l’habitat de loisir insolite éco-responsable qui connaît une croissance supérieure à 20% par an. C’est une tendance très forte qui était antérieure à la crise, et la crise a permis de toucher un public plus large, avec des gens qui comprennent désormais qu’il va falloir changer nos habitudes pour préserver notre environnement et consommer plus responsable.
Vous êtes convaincu que le tourisme local, c’est l’avenir ?
Ah oui, je suis convaincu que le voyage local sera prédominant dans les années à venir. D’ailleurs il l’est déjà, quand on sait que 70% des français passent leurs vacances en France. Les gens qui partent à l’autre bout du monde, cela reste minoritaire.
Après, il y a mille façons de rester en France… les gens ont surtout envie de retrouver une vraie douceur de vivre avec des endroits où ils peuvent être reconnectés avec des choses simples et naturelles. Chez Parcel nous voulons justement trouver ces lieux, avec des gens sur place qui veulent partager leur savoir-faire et leur passion.
Se déconnecter des ondes pour se reconnecter à la terre, en somme ?
Absolument. Aujourd’hui les gens veulent que leurs vacances/voyages aient un sens, ils veulent rencontrer des gens, se retrouver dans des endroits qui soient authentiques et faire des rencontres avec des personnes qui défendent ce que nous devrions collectivement considérer comme étant normal, c’est-à-dire prendre son temps et observer la nature.
Pourquoi le choix de la Tiny House plutôt que le mobil home ?
Parce que l’empreinte écologique de la Tiny est plus vertueuse, avec du bois et des éléments les plus renouvelables possibles, et une qualité d’hébergement plus agréable que celle du mobil home. Par ailleurs la Tiny est très mobile, on peut l’installer dans des endroits réputés inaccessibles.
Qui fabrique vos Tiny ?
Principalement des artisans français situés dans le sud de la France et aussi en Bulgarie, avec du pin douglas, du Red Ceddar ou de l’épicéa pour l’extérieur et du peuplier ou du mélèze à l’intérieur.
Nos Tiny ne nécessitent pas de raccordement au réseau en dehors de l’eau, quant à l’électricité elle est produite à partir de panneaux solaires qui permettent de produire l’énergie nécessaire au bon fonctionnement de la Tiny. La douche n’a rien à envier à une douche de chambre d’hôte et pour les toilettes nous avons opté pour des toilettes sèches à haute technologie brevetée – créées par la startup française Ecodomeo – qui permettent d’économiser des milliers de litres d’eau par an sans rien perdre en termes de confort. Le compostage des déchets organiques se fait sur place et les eaux usées sont filtrées et restituées à la terre pour l’irrigation. Rien ne se perd.
On imagine que la Tiny n’est pas idéale pour les familles nombreuses ?
Nous nous adressons principalement aux couples et aux familles jusqu’à 4 personnes maximum puisque nos Tiny ont des superficies qui vont de 16 à 20 m2.
À quel type de confort faut-il s’attendre ?
Nous sommes dans une réflexion constante pour enrichir l’expérience, avec un vrai souci du confort justement. Chaque Tiny est équipée d’un frigo, les lits font minimum 160 de large avec des matelas haut de gamme – en tant qu’anciens hôteliers on savait ce qu’on ne voulait pas. D’ailleurs quand les gens pénètrent dans leur Tiny il y a un effet « waouh ». La preuve qu’on peut être minimaliste tout en cherchant le beau et le confort, ce n’est pas parce qu’on se veut écolo qu’on doit être cheap et moche, au contraire même.
« Ce n’est pas parce qu’on se veut écolo qu’on doit être cheap et moche »
On porte aussi une grande attention aux surfaces vitrées. Quand vous vous réveillez c’est un peu comme si vous étiez en extérieur, avec des baies vitrées suffisamment épaisses pour que l’isolation soit optimale. Nous n’avons pas de climatisation mais le flux d’air généré par des ventilateurs mécaniques et la bonne isolation permettent de conserver une atmosphère agréable à l’intérieur.
Vos Tiny sont donc implantées sur des exploitations agricoles/viticoles. Que proposent les agriculteurs/viticulteurs dans le cadre du séjour ?
Un peu sur le même principe qu’un gîte, l’hôte se charge d’apporter le petit-déjeuner avec des produits 100% locaux, du beurre à la confiture en passant par les viennoiseries. Nous n’offrons pas de service de restauration de type chambre d’hôtes pour les diners mais proposons les produits réalisés par les agriculteurs eux-mêmes ou d’autres artisans locaux. En Bretagne nous travaillons par exemple avec un restaurant étoilé à Lorient qui livre ses repas à la Tiny. Si besoin on peut réchauffer sur place puisque chaque Tiny dispose d’une kitchenette.
Quels sont les retours des premiers clients ?
Ils sont très positifs puisque nous sommes à 5/5 sur nos 10 premiers avis clients sur Google.
On imagine que vous avez une grosse ambition pour la suite ?
Nous avons une forte demande, donc nous espérons développer notre offre rapidement. Pour l’instant nous avons 3 Tiny – en Gironde, en Bretagne et dans le Limousin – la 4ème arrive courant juillet, 2 autres en août et nous devrions en compter au total une dizaine fin 2021 avec l’ambition d’accélérer notre déploiement en 2022. Avec pour chaque destination 1 implantation et plusieurs à terme, dans une philosophie de partage, notamment à l’occasion des repas qu’on imagine assez riches, tout en restant dans l’idée d’une immersion où les gens ne sont pas les uns sur les autres.
À titre personnel, vous êtes également associé à Time for the Planet ?
Je n’y ai pas participé activement, mais je suis associé comme n’importe qui à cette association qui ambitionne de lever 1 milliard d’euros pour créer 100 entreprises luttant contre le réchauffement climatique. Je suis de plus en plus sensibilisé à ces problématiques et je pense que c’est de notre devoir absolu de se mettre dans une démarche qui permette de tenir la trajectoire (maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2 degrés, ndlr). Il y a une manière coercitive qui consiste à augmenter les taxes partout – malheureusement on ne passera pas à côté – et il y a une manière plus douce et inspirante qui consiste à proposer aux gens d’autres alternatives qui permettent de partir en vacances sans avoir à prendre l’avion, de rencontrer des personnes passionnées et engagées en partageant des expériences authentiques. Par définition, ça va être un sujet d’actualité très fort dans les 2 à 5 ans qui viennent.
Vous pensez que les grandes entreprises du tourisme vont arriver à opérer cette transition ?
Aujourd’hui la plupart des gens comprennent le problème et les déclarations vont dans ce sens. Le dernier rapport de l’Ademe et Carbone 4 paru il y a quelques jours met clairement en évidence les enjeux du tourisme de demain, tandis que 77% des émissions de CO2 générées par l’industrie du tourisme en France proviennent des déplacements. Malheureusement beaucoup sont contraints par des choix faits il y a des décennies, je pense au Club Med par exemple. Ils ne pourront pas déménager le Club Med situé en Egypte pour le remettre en Bretagne demain matin. Espérons qu’à terme une clientèle locale puisse en profiter, mais il faudra de toute façon inventer d’autres alternatives plus respectueuses des enjeux qui nous attendent dès demain. Faire évoluer de gros navires qui possèdent une inertie structurelle importante n’est pas chose facile, problème auquel n’est pas confrontée une entreprise qui se crée. Quoiqu’il en soit, la conscience les gens l’ont, selon une étude Ifop réalisée en avril dans le cadre des rencontres du tourisme durable, 44% des Français déclarent être prêts à dépenser plus pour voyager de manière respectueuse de l’environnement.
En définitive, la croissance infinie dans un monde fini, c’est quelque chose qui me semble compliqué. Il faut que collectivement on fasse désormais très différemment.
Sur ce point, ceux qui dédient leur vie à une agriculture raisonnée avec à la clé des produits de qualité sont pour moi des héros. À nous de les mettre en lumière pour que les clients puissent les rencontrer et partager avec eux des moments riches et authentiques. »
Prix d’une Tiny : à partir de 140 euros la nuit. Plus d’informations sur le site de Parcel.
Crédits photos : Parcel
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